De la compétition à la compassion
Choisir la tendresse plutôt que la rivalité. La justesse plutôt que la lutte.
Il y a des systèmes qui alimentent la comparaison, nourrissent l’ego, attisent la jalousie.
La peur d’être effacée si l’autre prend trop de place.
La peur que dire non, ce soit renoncer à exister.
En vérité, ce n’est pas que dans le travail. C’est partout.
Depuis l’école, la compétition s’installe. Subtile, banale, ancrée.
Être la meilleure. Être choisie. Être aimée pour ce qu’on fait, plus que pour ce qu’on est.
J’ai grandi là-dedans.
Et longtemps, j’ai cru qu’il fallait se battre pour mériter.
Pour exister dans le regard des autres. Pour ne pas disparaître.
La vie pro n’a rien arrangé.
Compétition déguisée, injonction à performer, à prouver, à briller — même dans les milieux créatifs.
Même en photo, un milieu censé célébrer le regard singulier,
la comparaison est partout.
À qui sera le plus vu, le plus publié, le plus liké.
Et puis il y a les appels à projets, les concours, les agents.
Toujours des compets, toujours des sélections.
Être choisi, être représenté, être visible.
Comme si la valeur d’un regard ne pouvait exister sans validation.
Je disais oui. À tout.
Même à ce qui n’avait pas de sens.
Même quand mon travail était négocié à la baisse,
quand on me disait que je devrais être “contente de la visibilité”,
quand on exigeait plus, pour moins.
Oui à ce qui ne nous convenait pas.
Oui aux petits budgets déguisés en opportunité.
Oui aux compromis avec soi-même.
… Je me suis perdue un moment.
À force de cadrer pour plaire.
À force de chercher la bonne image, plutôt que la vraie.
Et puis, un jour, j’ai ouvert le moodboard d’un projet.
les images étaient celles d’un ami.
son regard, sa lumière, son travail.
J’ai refermé l’ordi. Et j’ai su.
Ce projet, ce n’était pas pour moi.
C’était pour lui.
Roos Van de Velde / @Laurent Dupont
J’ai passé le contact.
Sans rien attendre.
Sans peur de perdre.
Ce jour-là, j’ai compris que je n’étais plus dans la compétition.
Mais dans autre chose.
Quelque chose de plus vaste, plus solide, plus doux :
la compassion.
Le lien.
La confiance dans les gestes justes.
Il y a de la place pour chacun,
quand on ne passe pas son temps à s’arracher ce qui ne nous est pas destiné.
Dire non, parfois,
c’est faire de la place à ce qui compte vraiment.
C’est choisir le respect.
C’est croire qu’un autre modèle est possible.
Un monde où on tend la main au lieu de tirer la couverture.
Où on avance côte à côte, pas l’un contre l’autre.
Je crois en la générosité, au lien, à la délicatesse.
C’est ça que j’ai envie de nourrir,
dans mon travail comme dans ma vie.
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Summer's Almost Gone / @ALex Llovet
Pour me remercier, ce même ami m’a envoyé un paquet.
un livre du photographe Alex Llovet
du thé,
de l’encens japonais.
Un geste.
Du soin.
Du lien.
De la délicatesse.
Et toi — dans ton quotidien, ton métier, tes relations —
qu’est-ce que tu choisis de nourrir :
la compétition ou la compassion ?
Tu peux m’écrire.
Je suis là.
J'aspire à être de celle qui tendent la main plus qu'elles ne tirent la couverture. J'essaie de faire infuser de + en + de générosité dans mon quotidien. Et puis parfois ça fait peur. Peur de passer à côté d'un truc géant qui m'aurait été destiné. Un vieux schéma de pensée ça, ça me passera.
En tout cas, il est doux et il fait du bien ce texte, tes phrases sont des bonbons à manger sans modération.